Le maire d'Eu ébranle la Scène conventionnée
Comment les politiques locaux
nous contrôlent
Connaissez-vous Eu ? Petite ville
de 8 000 habitants près du Tréport. « Trou normand » en
deux lettres pour les cruciverbistes, et pourtant culturellement
remarquablement dotée de deux théâtres, dont une scène
conventionnée (État- Région-Département) autour des arts
baroques, spécificité unique sur le territoire national.
Le projet artistique et culturel du
Théâtre du Château – c'est de lui dont il s'agit - a réussi à
toucher les habitants (71 % de fréquentation), encourager la
création pour faire de ce lieu historique un endroit de rencontre
ancré dans une démarche d'infusion culturelle au cœur de la cité.
Mais, tout cela, c'est sans compter sur
les dernières élections municipales de 2014, et l'arrivée d'une
nouvelle équipe « divers droites » se défendant de
faire de la politique.
À sa tête : un industriel
liquidateur retraité qui a réuni une équipe novice dans les
fonctions et le fonctionnement d'une municipalité et où seule la
vision financière fait foi.
Adieu service public, vie associative
et culturelle. Finies ces haltes garderies qui coûtent cher.
Quant à la scène conventionnée, la
première décision fièrement annoncée en couverture de bulletin
municipal a été de lui couper 24,58 % de financement. Pour
justifier cela, la rengaine est maintenant connue : une
programmation pas assez « populaire », pas assez tournée
vers tous les publics. « Comment faites-vous pour faire venir
les ploucs du coin au théâtre ? » [sic].
Alors ?
Alors on fait table rase de tout le
travail passé, celui en cours et le futur. On commence par virer le
directeur en place, nommé par l'équipe précédente plus à gauche,
les projets sont en berne, on ignore les partenaires institutionnels
– curieusement très silencieux - mais on veut quand même les
subventions ! On cherche un nouveau directeur, tout en oubliant
de mentionner dans l'annonce qu'il s'agit d'une scène au projet
conventionné baroque – un détail.
Eu n'est malheureusement pas la seule
dans cette situation. Il est désormais admis que, sous couvert de
légitimité électorale, des élus n'aient ni scrupules ni complexes
à prendre en main des lieux et des projets, écartant les
professionnels encombrants.
Que le média théâtre ait
jusque là échappé à cette censure est une bonne et mauvaise
nouvelle : cela prouve la reconnaissance de la portée, la
dimension et l'importance de cet art ancestral au lien direct entre
artiste et public ; mais cela indique aussi la volonté nouvelle
de verrouiller et contrôler ce que le peuple doit y voir et
entendre, à l'instar de la télévision.
Une scène conventionnée, la seule
dans les disciplines théâtre et musique baroques, est en train de
disparaître. Peu s'en émeuvent. « Le trou normand »
serait-il condamné au retour à une gestion culturelle bourgeoise et
bien-pensante des années 50, au détriment des principes de
décentralisation, d'accès aux cultures par tous et de service
public ?
1 commentaires:
Pas étonnant pour un maire d'Eu !
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